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L'histoire de l'aviron en France est multiple. Elle puise ses racines à l'origine des temps dès que l'homme a cherché à se déplacer sur l'eau. L'histoire du sport de l'aviron n'en est qu'une partie: histoire des rameurs, palmarès, histoire des bassins, des clubs, de l'architecture sportive, des bateaux, de la pratique, de l'entraînement, de la technique, des clubs, des compétitions, des entraîneurs, des bateaux, de la construction, de l'arbitrage... Afin de faciliter sa compréhension, nous vous proposons une histoire chronologique et illustrée des périodes qui ont façonnées cette pratique.

Le bateau

Aller d'un point à un autre, traverser un estuaire, une rivière, l'homme s'est trouvé trés tôt confronté à ce problème. Il a su le résoudre par l'observation, l'expérience et l'invention. Du premier flotteur au radeau de roseaux liés entre eux par une liane, de l'arbre à la pirogue monoxyle (creusée dans un seul tronc), l'homme utilise ce qu'il peut pour se diriger et se propulser : un morceau de bois, une pagaie.


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François-Auguste Biard (1798-1882) Deux indiens en pirogue (environ 1860) Huile sur toile, Paris, Musée du Quai Branly. Tableau peint à la suite d'un voyage du peintre au Brésil. Un des deux indiens tient une poignée de branchages pour prendre le vent.

L'aviron
Avec la nécessité de transporter des charges plus lourdes, sa famille, sa pêche, et de lutter contre des éléménts pas toujours favorables (le vent, les vagues, le courant, les flêches d'une tribu ennemie), l'homme cherche a améliorer sa propulsion et à se protéger. La force qu'il peut exercer sur ce qui sert à la propulsion sera bien plus importante si le rameur peut tirer avec ses deux bras, être plusieurs à tirer sur l'aviron, voir également utiliser la puissance de ses jambes. L'aviron en appui sur le bordage permet au rameur d'être plus efficace. Cela nécessite d'élargir le bateau pour utiliser un bras de levier suffisant. Cet élargissement améliore la capacité de l'embarcation à transporter des marchandises. La rame, plus longue que la pagaie, permet aussi d'élever les bords du bateau. Ceux-ci offrent alors une meilleure protection contre les éléments et les ennemis. L'aviron est né de ces contraintes vitales.

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L'aviron, une activité utile

De cette histoire, l'activité aviron tire sa logique interne : se déplacer sur l'eau, d'un point à un autre, sur un bateau propulsé par un ou des avirons qui ont un appui fixe au bateau. 

L'aviron va se développer dans tous les lieux qui lui sont favorables. Les civilisations méditerranéennes nous ont laissé des traces impressionnantes de son utilisation. La propulsion à l'aviron, l'utilisation du moteur humain, pour reprendre l'expression de François Beaudouin (considéré comme le père de l'archéologie nautique fluviale), a été utilisée de l'Egypte pharaonique jusqu'à aujourd'hui. Elle perd son aspect utilitaire avec l'apparition d'abord du moteur à vapeur puis du moteur à explosion. Il est assez étonnant de constater que la destruction de la dernière galère française "La Ferme" (1814) est contemporaine du lancement du "Charles-Philippe", bateau d'une trentaine de mètres à propulsion à vapeur, sur la Seine à Bercy (1816).
Après plus de cinquante siècles de présence, en un demi-siècle, la machine va remplacer le moteur humain.

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-Navires d'Akrotiri, début du 2ème millénaire av. JC, Théra (Santorin), Iles de l'Egée (Grèce)

Le développement du canotage en France, mélange romantique de patriotisme, d'attrait pour la mer et la marine française, et de développement d'un loisir urbain,
Cinq pistes pour expliquer
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  Une multitude de petites embarcations
Si le moteur humain est supplanté par la machine pour la guerre ou le transport de marchandises, pour des destinations de plus en plus lointaines et des volumes de marchandises de plus en plus importants, il reste utile pour un grand nombre d'activités associées : le battelage, la pêche, le transport de passagers sur de petites distances... Une multitude de petites embarcations caractéristiques d'un besoin, d'un lieu, d'une pratique se développent.

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Canaletto - The Thames and the City - 1746
  L'ouverture au monde, les grandes découvertes
Du XVème au XVIIème siècle, les européens se livrent à l'exploration intensive de la Terre. Ces explorations font l'objet de la diffusion de récits de voyages et de nouvelles connaissances. Les bateaux de toutes les peuplades sont inventoriés, décrits, et ramenés pour les musées des grandes capitales. Ce fantastique développement des connaissances scientifiques et la période de colonisation qui suit, nourrissent l'imaginaire européen. Chacun se voudrait explorateur, à la découverte de ces nouveaux mondes afin d'en ramener richesse et gloire.
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-Ecole flamande, XIVème siècle : jeux nautiques lors de fêtes à la cour de Henri III (Musée des Offices - Florence) Tapisserie tissée à Bruxelles vers 1580. Naumachie qui joue les grandes découvertes (sur l'île une population noire)

  La Révolution industrielle, le développement de la population urbaine et l'apparition des loisirs
La fin du XVIIIème siécle est marquée par une instabilité politique trés importante peu favorable au développement et à la prospérité d'un pays. Malgré cela, dans le sillage de la Grande Bretagne, la France s'industrialise. L'urbanisation des grands centres ne tient pas compte de l'homme en tant qu'individu et de ses besoins en terme de santé, d'hygiène et d'exercice physique. Les lieux où pratiquer une activité physique sont peu nombreux, parfois confinés (gymnases) ou sont réservés à une élite sociale. La rivière se présente comme un espace vierge, naturel, sauvage où l'homme de la ville retrouve un peu ce qu'il a perdu.
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Au bon marché - Une partie de bateau - costumes de 1830
  La Marine, instrument de prestige politique
La marine française est depuis Louis XIV une force permanente, instrument essentiel dans le développement de l'empire colonial et dans la concurrence entre les pays européens, notamment avec l'Angleterre. Elle jouit d'un grand prestige auprès des populations. Chaque évènement maritime est vivement ressenti par la population comme un évènement personnel. Le Radeau de la Méduse, tableau de Guéricault peint entre 1818 et 1819 en est une bonne illustration. Le Prince de Joinville, fils de Louis-Philippe et potentiel successeur de Louis Napoléon Bonaparte jouit d'une grande popularité renforcée par sa formation de marin. L'image du roi conduisant son règne comme une barque sur le fleuve est souvent utilisée par les peintres et les illustrateurs pour symboliser la royauté et la conduite des affaires du royaume.
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-Pierre Paul Rubens - La majorité de Louis XIII, le 20 octobre 1614 - Musée du Louvre
  Le mythe de la barque

Depuis l'odyssée d'Homère, le bateau qui navigue est le symbole de la vie qui avance dans le temps. Naviguer c'est vivre, affronter les aléas du réel comme on affronte les éléments ou on lutte contre le courant. Naufrages et tempêtes sont les accidents de la vie, ceux qu'on provoquent ou ceux qu'on subit.
Cette vision rejoint un autre mythe antique, celui de la traversée du fleuve pour rejoindre les enfers. La barque accompagne les morts dans leur tombe comme en Egypte antique ou pour les civilisations du Nord de l'Europe.
Et quoi de plus romantique qu'une ballade en barque ? En opposition au classicisme, le romantisme porté par les grands auteurs du XIXème siècle : Hugo, Lamartine, Nerval, Vigny... développe une imagerie naturelle : "Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges, Jeter l'ancre un seul jour ?" (Lamartine - Le lac 1820)

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La vogue du canotage
(1800-1861)

Même si l'on peut penser que l'acte de canoter existe depuis les débuts de la navigation, les traces picturales ou écrites de sa pratique avant 1800 sont rares : représentation de paysages ou de scènes maritimes, relations de fêtes où les jeux nautiques jouent un grand rôle, description de loisirs aristocratiques et de déplacements de personnalités. Le roi entretient un "service des bateaux des maisons royales" qui lui permet d'avoir ainsi sous ses yeux la représentation fidèle des navires qu'il ne pouvait aller voir. Ces bateaux servent aussi au spectacle et à la promenade. Il fait même reconstruire une galère à Versailles.
Le canotage est visible par exemple sur l'estampe de Callot parue en 1630 : la vue du Louvre. La batellerie est réglementée depuis Louis XIV jusqu'en 1789 par une autorisation spéciale. La Révolution Française la libère.
Même si les règlements réapparaissent ensuite, le canotage, pratique dont se saisit une bourgeoisie urbaine, éprise de nouvelles libertés, en mal de loisirs et d'exotisme, se développe.

En 1819, deux constructeurs de bachots sont recensés à Paris.
En 1826, 1633 petites embarcations (bachots et canots) sont enregistrées à l'Inspection de la Navigation du ressort de Paris.
En 1832, il est relaté une première navigation de Paris à Rouen.
En 1836, à 18 ans, seul dans son canot, le Prince de Joinville traverse Paris de la haute Seine à la basse Seine.
En 1838, fondation de la Société des Régates du Havre sous le haut patronage du Prince de Joinville en collaboration avec l'hôtel et les bains Frascati afin d'attirer les touristes parisiens.
En 1839, commande à Picot (un constructeur de bateaux) par le Duc d'Orléans d'une périssoire en orme et de deux pagaies en frène.
En 1842, le premier portrait "officiel" du canotier est publié dans "Les français peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du XIXème siècle".
En 1843, Daumier publie dans le Charivari une série de caricatures des canotiers.
En 1858, dix-mille canotiers sont cités par le livre "Le canotage en France".
En 1861, vingt constructeurs de bateaux sont recensés.

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1875 - Georges Roux - La famille royale à Versailles - Base Joconde
Le développement du sport anglais et sa diffusion à partir du littoral de la Manche jusqu'à Paris
(1715-1847)

Parallèlement, certainement sous l'influence des mêmes facteurs (révolution industrielle, prestige de la Marine...), favorisé par une grande stabilité politique et lié à sa propre culture, le sport anglais s'organise trés tôt en club ou en sociétés. La Doggett's Coat and Badge est la course à l'aviron la plus ancienne du monde organisée depuis 1715. Le Royal Thames Yacht Club est créé en 1775.
Un bateau de compétition, le "Royal Oak" est conservé au musée de Henley. Il a été construit en 1800 et sa première course enregistrée en 1816.
Le sport est utilisé en Grande Bretagne comme un outil d'éducation. Il est adopté par de prestigieuses écoles. L'aviron devient le sport d'une élite intellectuelle et sociale qui influencera d'une façon déterminante le sport français. Le match Oxford-Cambridge est organisé à partir de 1829 avant même que les premières régates recensées ne soient organisées en France (Cherbourg 1831, Paris-La Villette 1834, Calais 1836, Dieppe 1837) et que les premières Sociétés de régates ne soient fondées au Havre (1841) et à Rouen (1847).
Il est intéressant de noter la proximité géographique des premiers lieux de régates avec l'Angleterre. L'influence anglaise liée sans doute à la présence de nombreuses maisons de commerce anglaises dans ces ports français s'exerce pleinement pour organiser la pratique du canotage, l'amener aux normes sportives, permettre des confrontations communes.

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Vanity Fair Exter College of Oxford Boat 1825 Colored engraving

A suivre : L'organisation progressive du sport de l'aviron (1853-1890)