(version avril 2020 - dernière modification mai 2024)
L'histoire de l'aviron en France est multiple. Elle puise ses racines à l'origine des temps dès que l'homme a cherché à se déplacer sur l'eau. L'histoire du sport de l'aviron n'en est qu'une partie : palmarès, histoire des rameurs, des bassins, des clubs, de l'architecture sportive, des bateaux, de la pratique, de l'entraînement, de la technique, des compétitions, des entraîneurs, de la construction, de l'arbitrage... Afin de faciliter sa compréhension, nous vous proposons cinq pistes pour expliquer et une histoire chronologique illustrée.
Le bateau | Aller d'un point à un autre, traverser un estuaire, une rivière, l'homme s'est trouvé trés tôt confronté à ce problème. Il a su le résoudre par l'observation, l'expérience et l'invention. Du premier flotteur au radeau de roseaux liés entre eux par une liane, de l'arbre à la pirogue monoxyle (creusée dans un seul tronc), l'homme utilise ce qu'il peut pour se diriger et se propulser : des branches d'arbre, un morceau de bois mort, une pagaie... |
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L'aviron | Avec la nécessité de transporter des charges plus lourdes, sa famille, sa pêche, et de lutter contre des éléménts pas toujours favorables (le vent, les vagues, le courant, les flêches d'une tribu ennemie), l'homme cherche a améliorer sa propulsion et à se protéger. La force qu'il peut exercer sur ce qui sert à la propulsion sera bien plus importante si le rameur peut tirer avec ses deux bras, être plusieurs à tirer sur l'aviron, voir également utiliser la puissance de ses jambes. L'aviron en appui sur le bordage permet au rameur d'utilser toute sa force. Cela nécessite d'élargir le bateau pour avoir un bras de levier suffisant. Cet élargissement améliore la capacité de l'embarcation à transporter des marchandises. La rame, plus longue que la pagaie, permet aussi d'élever les bords du bateau. Ceux-ci offrent alors une meilleure protection contre les éléments et les ennemis. L'aviron est né de ces contraintes vitales. |
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L'aviron, une activité utile | De cette histoire, l'activité aviron tire sa logique interne : se déplacer sur l'eau, d'un point à un autre, sur un bateau propulsé par un ou des avirons qui ont un appui fixe au bateau. L'aviron va se développer dans tous les lieux qui lui sont favorables. Les civilisations méditerranéennes nous ont laissé des traces impressionnantes de son utilisation. La propulsion à l'aviron, l'utilisation du moteur humain, pour reprendre l'expression de François Beaudouin (considéré comme le père de l'archéologie nautique fluviale), a été utilisée des plus anciennes civilisations jusqu'à aujourd'hui. Elle perd son aspect utilitaire avec l'apparition d'abord du moteur à vapeur puis du moteur à explosion. Il est assez étonnant de constater que la destruction de la dernière galère française "La Ferme" (1814) est contemporaine du lancement du "Charles-Philippe", bateau d'une trentaine de mètres à propulsion à vapeur, sur la Seine à Bercy (1816). |
Navires d'Akrotiri, début du 2ème millénaire av. JC, Théra (Santorin), Iles de l'Egée (Grèce) |
Le développement du canotage en France, mélange romantique de patriotisme, d'attrait pour la mer et la marine française, et de développement d'un loisir urbain,
Cinq pistes pour expliquer :
Une multitude de petites embarcations | Si le moteur humain est supplanté par la machine pour la guerre ou le transport de marchandises, pour des destinations de plus en plus lointaines et des volumes de marchandises de plus en plus importants, il reste utile pour un grand nombre d'activités associées : le battelage, la pêche, le transport de passagers sur de petites distances... Une multitude de petites embarcations caractéristiques d'un besoin, d'un lieu, d'une pratique se développent. |
Canaletto - The Thames and the City - 1746 |
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L'ouverture au monde, les grandes découvertes | Du XVème au XVIIème siècle, les européens se livrent à l'exploration intensive de la Terre. Ces explorations font l'objet de la diffusion de récits de voyages et de nouvelles connaissances. Les bateaux de toutes les peuplades sont inventoriés, décrits, et ramenés pour les musées des grandes capitales. Ce fantastique développement des connaissances scientifiques et la période de colonisation qui suit, nourrissent l'imaginaire européen. Chacun se voudrait explorateur, à la découverte de ces nouveaux mondes afin d'en ramener richesse et gloire. |
Ecole flamande, XIVème siècle : jeux nautiques lors de fêtes à la cour de Henri III (Musée des Offices - Florence) Tapisserie tissée à Bruxelles vers 1580. Naumachie qui joue les grandes découvertes (sur l'île une population noire) |
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La Révolution industrielle, le développement de la population urbaine et l'apparition des loisirs | La fin du XVIIIème siécle est marquée par une instabilité politique trés importante peu favorable au développement et à la prospérité d'un pays. Malgré cela, dans le sillage de la Grande Bretagne, la France s'industrialise. L'urbanisation des grands centres ne tient pas compte de l'homme en tant qu'individu et de ses besoins en terme de santé, d'hygiène et d'exercice physique. Les lieux où pratiquer une activité physique sont peu nombreux, parfois confinés (gymnases) ou sont réservés à une élite sociale. La rivière se présente comme un espace vierge, naturel, sauvage où l'homme de la ville retrouve un peu ce qu'il a perdu. |
Au bon marché - Une partie de bateau - costumes de 1830 |
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La Marine, instrument de prestige politique | La marine française est depuis Louis XIV une force permanente, instrument essentiel dans le développement de l'empire colonial et dans la concurrence entre les pays européens, notamment avec l'Angleterre. Elle jouit d'un grand prestige auprès des populations. Chaque évènement maritime est vivement ressenti par la population comme un évènement personnel. Le Radeau de la Méduse, tableau de Guéricault peint entre 1818 et 1819 en est une bonne illustration. Le Prince de Joinville, fils de Louis-Philippe et potentiel successeur de Louis Napoléon Bonaparte jouit d'une grande popularité renforcée par sa formation de marin. L'image du roi conduisant son règne comme une barque sur le fleuve est souvent utilisée par les peintres et les illustrateurs pour symboliser la royauté et la conduite des affaires du royaume. |
Pierre Paul Rubens - La majorité de Louis XIII, le 20 octobre 1614 - Musée du Louvre |
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Le mythe de la barque | Depuis l'odyssée d'Homère, le bateau qui navigue est le symbole de la vie qui avance dans le temps. Naviguer c'est vivre, affronter les aléas du réel comme on affronte les éléments ou on lutte contre le courant. Naufrages et tempêtes sont les accidents de la vie, ceux qu'on provoquent ou ceux qu'on subit. |
La vogue du canotage |
Même si l'on peut penser que l'acte de canoter existe depuis les débuts de la navigation, les traces picturales ou écrites de sa pratique avant 1800 sont rares : représentation de paysages ou de scènes maritimes, relations de fêtes où les jeux nautiques jouent un grand rôle, description de loisirs aristocratiques et de déplacements de personnalités. Le roi entretient un "service des bateaux des maisons royales" qui lui permet d'avoir ainsi sous ses yeux la représentation fidèle des navires qu'il ne pouvait aller voir. Ces bateaux servent aussi au spectacle et à la promenade. Il fait même reconstruire une galère à Versailles. En 1819, deux constructeurs de bachots sont recensés à Paris. |
1875 - Georges Roux - La famille royale à Versailles - Base Joconde |
Le développement du sport anglais et sa diffusion à partir du littoral de la Manche jusqu'à Paris (1715-1847) |
Parallèlement, certainement sous l'influence des mêmes facteurs (révolution industrielle, prestige de la Marine...), favorisé par une grande stabilité politique et lié à sa propre culture, le sport anglais s'organise trés tôt en club ou en sociétés. La Doggett's Coat and Badge est la course à l'aviron la plus ancienne du monde organisée depuis 1715. Le Royal Thames Yacht Club est créé en 1775. |
Vanity Fair Exter College of Oxford Boat 1825 Colored engraving |
A suivre : L'organisation progressive du sport de l'aviron (1853-1890)